Sanction AMF et assurance

 

 

Par un arrêt en date du 24 avril 2018 (Arrêt CA Dijon 24.04.2018), la Cour d’appel de Dijon s’est prononcé sur la qualification de la faute commise par le dirigeant d’une société cotée, qui avait fait l’objet d’une sanction pécuniaire prononcée par la Commission des sanctions de l’AMF (Décision de la Commission des sanctions du 26 mai 2016), et son incidence sur l’applicabilité de son contrat d’assurance de responsabilité de mandataire social.

Pour refuser sa garantie à rembourser le montant de cette sanction, obligation pourtant manifestement prévue dans le contrat d’assurance, la compagnie faisait valoir la clause d’exclusion prévoyant classiquement l’absence de garantie en présence d’une faute intentionnelle ou dolosive, telle que prévue par ailleurs par l’article L. 113-1 du Code des assurances.

En première instance, le Tribunal de grande instance de Dijon avait suivi l’argumentation de l’assureur, en retenant l’existence d’une faute intentionnelle.

En cause d’appel, la Cour commence par rappeler les éléments caractérisant la faute intentionnelle et la faute lourde :

  • la faute intentionnelle s'entend de celle impliquant la volonté de son auteur de causer le dommage tel qu'il est survenu ; ainsi, elle suppose un acte délibéré de l'assuré non seulement dans la réalisation de l'accident mais aussi dans la survenance du dommage ;
  • la faute dolosive n'oblige pas, quant à elle, à la recherche des conséquences dommageables, le fait que l'assuré ait volontairement pris des risques en ayant conscience de sa faute étant suffisant ; elle suppose que l'assuré n'a pu ignorer la certitude du caractère inéluctable des conséquences de son action ou de son omission ; elle s'assimile ainsi à un acte volontaire grossier rendant inéluctable la survenance d'un sinistre, quel que soit le sinistre.

En l’espèce, le dirigeant avait été était poursuivi pour des manquements à la bonne information du public et de manipulation de cours.

Contrairement à la juridiction de première instance, la Cour d’appel n’a pas retenu l’existence d’une faute intentionnelle, toujours plus difficile à caractériser, tout en confirmant néanmoins le rejet de l’action du dirigeant. Pour ce faire, les magistrats se sont placés sur le terrain de la faute lourde, caractérisée de la manière suivante : « Si l'assuré justifie ses manquements dans l'intérêt du groupe Belvédère et que la preuve d'un dommage effectif en étant résulté pour le marché et ses investisseurs n'est pas clairement établi par la société AIG EUROPE LIMITED, il n'en ressort pas moins que X… a agi consciemment, dans le but de mieux contrôler les cessions projetées, de donner une image fictive et trompeuse du cours du titre de la société et de fournir ainsi au public des informations propres à modifier l'appréhension de la situation financière de la société ; que ce faisant, il s'est délibérément exposé à la sanction qui a été effectivement prononcée et a eu la volonté et la conscience de mettre à la charge de son assureur les conséquences qui résulteraient de ses fautes; que celles-ci ont ainsi, a minima, faussé l'élément aléatoire attaché à la couverture du risque ».

Pour mémoire, cette décision est à rapprocher de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 14 février 2012 (CA Paris 14 février 2012), qui avait jugé que les condamnations prononcées  par la Commission des sanctions de l’AMF n’étaient pas assurables, ce type de couverture étant contraire à l’article 6 du Code civil. Dans cette décision, c’est la compagnie d’assurance elle-même qui avait soulevé la nullité de son engagement, ce que n’a pas décidé de faire l’assureur dans l’arrêt du 24 avril dernier.

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